Oubliez votre monde. Abandonnez vos connaissances. Délaissez vos amis. Quittez les règles établies. Ne pensez plus à vos mœurs, vos stéréotypes et laissez-vous envelopper par cette odeur douçâtre de pollution. Laissez-vous emporter par ces bruits de voitures qui, au sol ou en l’air, parcourent la ville à toute heure de la journée. À ces robots surveillants qui, pour s’assurer de votre sécurité, arpentent les ruelles sombres comme les galeries marchandes en réalisant un scan de toute personne se trouvant dans leur périmètre, à heure fixe. Que vous soyez un elfe roublard comme on en voit souvent dans les quartiers mal famés du Sud, un orc au passé militaire prestigieux, un reptilien ayant révolutionné le domaine des sciences… Tous sont répertoriés dans les bases de données de La Fondation. Quelque part sur le réseau existe une place pour chacun, on y récolte des informations sur vos décisions, vos agissements, vos expériences et on y stocke le tout sur votre « pile » comme disent les Sudistes. La puce identitaire logée quelque part dans votre nuque, indétectable, indécelable, éternelle. C’est cette puce qui, depuis aussi longtemps que vous êtes capable de vous souvenir, vous permet de vous dupliquer à votre mort.
Vous êtes virtuellement immortels.
Mais un tel avantage a un prix. Un prix lourd à payer puisque, pour commencer : vous avez conscience d’avoir été tué ou bien d’être mort. Voilà un souvenir qui pourra assurer aux psychiatres de beaux jours devant eux et qui facilite également le travail des forces de l’Ordre, veillant sur leur prochain avec la véhémence d’un troupeau de créatures affamées. En plus de permettre un suivi assez précis des citoyens de la Cité par un système de plongée et de surveillance matricielle généralement opérée par ces mêmes citoyens ou en de très rares cas, face à des hackers surboostés aux anabolisants et aux implants, par l’Intelligence Artificielle HORUS.
Vous êtes virtuellement, éternellement, sous surveillance.
La Fondation, le gouvernement actuellement en place et dont le triangle orne presque chaque institution gouvernementale au nom pompeux et à la façade ayant demandé à à elle seule, pour un seul bâtiment, plus de budget que l’entièreté de l’aile Ouest du Sud de la ville. Et ça fait un paquet de bâtiments. Richesse répartie, mais équitablement ? Qui s’en soucie ? Quelques petits séparatistes qui, chaque jour, viennent taguer des façades ou distribuer des flyers ? Ce n’est pas ça qui va faire peur à l’Oligarchie en place depuis que le monde est monde, ou au moins depuis que les Autorités de l'Information existent, ce qui doit probablement être la même chose. Les plus braves vont jusqu’à voler des biens au Gouvernement. Et alors ? Le pouvoir se suffit à lui-même. Ce ne sont pas quelques denrées qui vont le faire bouder. Il suffit d’envoyer un commando surentrainé et assez endoctriné pour obéir sans remuer un sourcil et le problème n’est plus qu’une solution. Une distraction pour la conscience, quelques instants, sur les publications du journal matriciel et sur les articles des réseaux sociaux.
Vous êtes virtuellement insignifiant au milieu du nombre.
Les séparatistes, eux, ce sont les marginaux ne comprenant pas que la survie de l’Humanité passe par des choix éthiques d’une dureté infinie. Personne n’aime sacrifier les siens, pourtant le sacrifice est nécessaire. Eux, ils vivent dans le Refuge, dans une société tout aussi inégalitaire, tout aussi cruelle. Ils ne sont pas nombreux, peu veulent abandonner le confort de vie qu’apporte l’existence sous la bannière de la Fondation. Ils sont égoïstes quand ils ne sont pas complètement décrochés des réalités de l’existence et plongés dans leur utopie d’un monde parfait. Ils n’envisagent même pas qu’on puisse aller à rebours de leurs idées et ceux qui le voudraient ne méritent pas d’exister. Ils sont à pied d’égalité avec la Fondation, organisant des attentats, semant la peur, le trouble, endoctrinés par leur cause d’un monde différent. Tous commettent de graves erreurs. Qui a raison ?
Vous êtes concrètement face à une problématique insoluble.
Au final, c’est vrai : qui sommes nous, nous tous, face à l’immensité de l’éternité et de l’univers ? Qui sommes-nous face à la grandeur de la Fondation ? Elle qui écrase les indésirables et opprimes les faibles. Quelles sont nos opinions ? Et nos désirs ? Nos rêves ? Rester insignifiant ? Devenir chanteur ? Qu’on vous foute la paix ? Être reconnu ? Un homme politique influent ? Une femme à l’intelligence imbattable qui cloue n’importe qui dans les domaines des sciences ? Un hacker capable de déjouer les défenses des plus surveillées nœuds matriciels de l’Empire ? Une saloperie d’elfe qui offre des substances illégales dans un hangar du Sud pour permettre aux citoyens et autres parias de fuir leur réalité terne, sombre et décérébrée ? Ou l’un de ces séparatistes, eux qui veulent tant permettre au peuple de se lever et parler en son propre nom, quoi que cela en coûte, quand bien même les pires atrocités devraient être commises ? Vous êtes qui vous voulez être.
Vous êtes arrivé à Kepler. Et vous n’êtes pas le bienvenu.
La Fondation est la mère de la civilisation. Sortie d’une époque clanique ou il était encore bon de chasser son voisin pour un morceau de viande, la Fondation s’élève désormais comme la puissance qui dirige l’intérieur des murs de la cité. Grâce à elle, vous avez des lois, des commerces, des forces de l’ordre et un endroit où dormir. Grâce à elle, et seulement si vous êtes citoyens, vous êtes en sécurité. Car la sécurité est la priorité numéro un du gouvernement depuis son commencement.
Mais, et si la sécurité n’était pas la solution à tout ? Et si la puce d’identification, contenue dans votre cerveau, n’était qu’un moyen de garder la population entière sous contrôle afin d’asseoir sa suprématie ? Et s’il était venu le temps de la révolte ?
Que ce soit l’idéal si difficile à atteindre qu’il en est questionnable de la Fondation, ou le désir saugrenue de liberté quel qu’en soit le prix des Séparatistes nouvellement formés pour mettre à mal les plans du gouvernement… Il y a de bons et de mauvais côtés. Il y a du bien comme du mal. Car rien n’est rose, dans la cité. Et rien ne brille sans en payer les conséquences.
Au commencement, il y eut la naissance d'une civilisation au milieu des ruines désertes d'un monde abandonné, provoquée par une entité immatérielle répondant au nom de Klexos, gardien surnaturel de la Cité. Inscrit dans chaque ligne de code pouvant parcourir la jungle urbaine, son pouvoir peut sembler sans limite à ceux ne se frottant que peu aux outils informatiques. Omniscient, il laissa un premier homme s'élever, un leader ; avec sa venue, les allégeances fluctuèrent moins, un semblant de stabilité s’était installé. Puis il disparut, laissant derrière lui le fondement de ce qui serait le règne d'Orson Jeeves.
La Fondation est la mère de la rigueur et de la discipline, détentrice du droit de gouverner par sa filiation directe avec le régime passé. Sortie de cette époque clanique où il était encore bon de chasser son voisin pour un morceau de viande, la Fondation s’élève désormais comme la puissance qui dirige l’intérieur des murs de la Cité. Grâce à elle, vous avez des lois, des commerces, une force de l’Ordre et un toit sous lequel dormir. Grâce à elle - et seulement si vous êtes citoyen - vous êtes en sécurité. Car la sécurité est la plus grande priorité de ce gouvernement depuis son aube.
Presque tous, dont vous, sont - à leur naissance - sujets à une opération chirurgicale : l'implantation d'une puce de recensement. Il en va ainsi et personne n'est censé déroger à cette pratique. Vous est alors attribuée une identification, outil bureaucratique, marketing, répressif. Elle vous poursuivra jusqu'à votre mort, compilant des données vous concernant que vous ne soupçonnez même pas.
Des hommes se sont levés, contestant les pratiques intrusives d'un état qu'ils dénonçaient comme corrompu : et si la sécurité n’était pas la solution à tout ? Et si la puce d’identification, contenue dans votre cerveau, n’était qu’un moyen de garder la population entière sous contrôle afin d’asseoir une suprématie illégitime ? Et s’il était venu le temps de la révolte ?
Des groupes dits déviants se sont petit à petit constitués dans l'ombre, se cachant de la surveillance insidieuse, de la délation, de la traîtrise. Des réseaux se sont tissés, ridiculement insignifiants à l'échelle de la mégapole surpeuplée entièrement dévouée à la cause supérieure de la Fondation. Commencèrent alors les premiers attentats, les premières fusillades de rue. Les têtes pensantes séparatistes durent fuir la surface et les sbires du régime. Depuis les profondeurs de la Cité, ils dirigent à présent leur guerre, faisant des leurs des esprits facilement malléables. La jeunesse des quartiers à risque, sans repères et subsistant difficilement, est devenue leur main d'œuvre active, visible aux yeux de tous.
Entre l’idéal, si difficile à atteindre qu’il en est devenu discutable, de la Fondation, et le désir saugrenu de liberté à tout prix des séparatistes, qui serez-vous ? Et vous, jusqu’où iriez-vous pour vos idéaux ? Car rien ne brille sans en payer les conséquences.
Vous êtes arrivé à Kepler. Et vous n’êtes pas le bienvenu.
Dernière édition par Hector Priam le Mar 31 Mar - 23:37, édité 3 fois
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