The sky above the port was the color of television, tuned to a dead channel.
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Tout est une question de chiffre et de tajine

Meine Eichel
Utilisateur
Meine Eichel
Sujet: Tout est une question de chiffre et de tajine


Tout cela avait commencé comme une requête sortant de l’ordinaire. Pourtant, tout était en règle. Les données avaient été déposées comme d’habitude sur un serveur sécurisé, le dossier habituel avait été préparé avec le contexte et les informations nécessaires aux traitements des données. Sauf que. Sauf que cette fois ci, au lieu de lui parler de molécule, de patients, d’études en aveugle, puis double aveugles, d’effet placébo ou contextuel et de combinaisons de médicaments, ça parlait crédits , référence d’actions dans des livres de comptes, d’identifiants individuels et de dossier de financements. Un instant, il s’était dit qu’il y avait peut-être eu erreur. Que ce dossier ne lui était pas destiné de base. Une erreur pouvait arriver, certes mais pas aussi grosse. Les dossiers qui lui envoyaient étaient vérifiés manuellement et informatiquement plusieurs fois, c’est du moins ce qu’on lui avait expliqué lors de sa prise de poste. Devant ce drôle de fichier, Meine s’était donc retrouvé perplexe et avait finalement décidé, pour la première fois en cinq ans, de contacter de son chef son supérieur direct pour lui poser la question. La réponse avait été … sinueuse. On lui avait confirmé qu’effectivement ce n’était pas d’habitude dans ses champs de domaine mais qu’après tout, on le payait et qu’il pouvait bien faire ce qu’on lui demandait. Charmant. On lui précisa aussi qu’au vu de l’importance dudit dossier, les résultats ne seraient pas rendus par le système habituel mais bien en main propre avec un membre du service concerné et qu’il avait une semaine pour rendre sa copie, au lieu du mois habituel.

Ella, sous son regard neutre d’androïde domestique, l’avait vu grogner, pester, gronder son ordinateur de travail, le bouder, lui qui avait l’habitude d’être plutôt peu enclins à laisser transparaitre ses sentiments. Elle l’avait aussi abreuver en thé et en café , avait profité qu’il s’était pris de passion pour ce dossier sur lequel il passait jour et nuit pour faire un ménage complet de l’appartement et avait redoubler de ruse pour le faire manger à heure fixe, refusant les habituels « Ne t’inquiète pas, je me ferai à manger tout à l’heure. » « Tu sais, je n’ai pas très faim. ». Elle avait aussi refusé tous les appels de madame Eichel. On pouvait donc résumer en déclarant qu’Ella avait été un androïde de maison modèle. Aussi quand Meine lâcha un cri de satisfaction au bout de 5 jours et 4 heures de travail, elle s’était présenté devant lui calme mais avec une fermeté toute maternellement robotique qu’il fallait qu’il mange, qu’il se lave, qu’il dorme et que seulement après il enverrai un mail au service pour signaler qu’il avait fini , qu’après tout il lui restait très exactement 1 jour et 20 heures depuis l’annonce de l’ultimatum et qu’ils pourraient bien attendre. Meine avait penché la tête d’un côté puis de l’autre mais avait doucement obtempéré, clopinant jusqu’à la salle de bain puis à la chambre. Il avait cependant ajouté qu’il pourrait se débrouiller pour les prochaines quarante-huit heures, qu’elle pouvait donc passer ces deux jours à faire ce que bon lui semblait, promettant qu’il serait sage et qu’il ne ferait rien d’inconsidéré.

C’est ainsi que le mail annonçant la fin du dossier et la possibilité de le récupérer en main propre à son adresse dès maintenant n’est qu’envoyer qu’à 21h00 de ce même jour. Meine sourit, satisfait, s’étirant. Il est temps de penser au diner et aux autres occupations du soir. Il abandonne ses béquilles pour son fauteuil d’intérieur, plus pratique pour l’activité à venir. Il passe par-dessus son jean sombre et son tee-shirt bordeaux un tablier de toile verte, s’amusant à chercher une recette un peu élaborée à réaliser. Son choix se porte sur un tajine de poulet aux épices. Il affiche la recette sur sa tablette qu’il pose en évidence sur le support du plan de travail adapté et se lance. Il est dérangé au moment d’ajouter les légumes.

« Ella, est ce que tu peux aller ouvrir s’il te plait ? »



Avant de se rappeler qu’il doit être autours de 22h, qu’Ella est, contre toute attente, une androïde friande de théâtre, de concert et de cinéma et qu’elle a probablement profité du congé inopiné pour se mettre à jour. En trois mots, elle n’est pas là. Meine termine d’ajouter ses légumes, règle le feu de cuisson, retire sur tablier pour le poser sur le dossier de son fauteuil. Il hésite un moment. Béquilles ? Fauteuil ? Fauteuil. Il est dessus, il est tard et il ne sait pas qui peut sonner à cette heure-là. Et si c’est sa mère, il veut être en mesure de la regarder droit dans les yeux pour la renvoyer gentiment mais fermement chez elle. Meine manœuvre, se rend dans le large couloir d’entrée du duplex aménagé. Il inspire doucement puis déverrouille la lourde porte pour se rendre compte que ce n’est pas sa mère qui se tient devant lui, pas son frère non plus mais un homme au costume impeccable qu’il ne connait pas. Meine hésite, lui adresse un sourire calme.

« Bonsoir monsieur. En quoi puis-je vous aider ? »




Mar 28 Juil - 15:58
Jehiel Regenbogen
Utilisateur
Jehiel Regenbogen
Sujet: Re: Tout est une question de chiffre et de tajine

Le soir laissait passer son arc en ciel de couleurs artificielles parfois entrecoupées d'un néon défectueux. Chatouillant les nuages, le bureau de Jehiel, entièrement vitré, laissait passer une brume teinte des reflets lointains de la vie nocturne s'étendant à ses pieds. Ici, la ville ne se reposait jamais et son rythme effréné était un coeur géant qu'une vie tirait inexorablement vers un épuisement plus ou moins rapide. L'homme s'étira, jetant un dernier coup d'oeil aux trois écrans qui étaient la seule lumière de la pièce. Il aimait vivre dans le noir. La relative obscurité était un manteau à ses pensées, une trompeuse sécurité. Il avait beau être seul au milieu d'un étage délaissé pour la soirée, il savait qu'on le regardait. Et cet oeil invisible, avec lequel il avait appris à vivre, verrait qu'il était, une fois encore, parti bon dernier de son service pour rendre un rapport impeccable juste avant la deadline. En vérité, il avait fait bosser ses hommes de façon à avoir les données un bon jour à l'avance mais il était aussi important de rendre ses dossiers à l'heure que de ne pas le faire à l'avance. Travailler trop vite ferait répercuter sur son équipe un rythme de travail plus intense encore. Ils n'en avaient pas besoin.

On disait du jeune Directeur qu'il était un peu trop sensible, qu'il se souciait du bien être de ceux sous ses ordres. Il n'en était rien. Il n'avait fait que lire les études révélant qu'un employé qui se croyait heureux à son poste était plus autonome, plus prolifique et moins malade. Et ses chiffres le prouvaient. Son service roulait bien avec peu de turn-over, ce qui permettait d'hyper spécialiser les médiocres, de contenter les ambitieux et d'utiliser les compétents. Il attendit l'accusé d'envoi, en fit une capture d'écran avec l'horodateur officiel de la compagnie (ainsi, si on l'accusait de ne pas l'avoir envoyé, il avait une preuve), enregistra l'image sur le serveur, le disque dur, le cloud et une mémoire externe.

"Procédure extinction 1."

Deux écrans s'éteignirent alors tandis qu'une petite lumière jaune s'allumait au dessus de la porte en verre. Avant l'installation de ce dispositif, beaucoup de gens s'étaient cognés sur le verre impeccable séparant les bureaux. Les syndicats et le cout des chirurgies esthétiques du nez avaient convaincu la Direction d'installer une signalétique adaptée. Il y avait toujours autant de blessés (on oubliait souvent d'allumer la lumière) mais la compagnie n'étant plus responsable, elle ne payait plus rien. Il passa ses mains dans ses cheveux impeccablement coiffés, les retira, essuyant le gel résiduel à un mouchoir sur son bureau. Il allait se lever lorsque le bruit caractéristique d'un nouveau mail retentit.

21 h ?

"Heure."

"Il est 22 heures et dix-huit minutes" répondit la voix féminine et enjôleuse de son assistant électronique.

"Merci." On ne lui répondit pas. Autrefois, les programmes réagissaient positivement à la politesse, puis des gens dignes de confiance avaient calculés très précisément le temps perdu par jour à dire "s'il vous plait", "merci" et "de rien", et il avait été décidé de les oublier deux semaines auparavant. Jehiel se laissait encore avoir, parfois, lorsqu'il était fatigué ou perplexe. Ce soir là, il était les deux. Certes, il avait été profondément concentré sur la vérification des données de son rapport mais ne pas avoir vu un mail pendant plus de 75 minutes ne lui ressemblait absolument pas. Il l'ouvrit, refusa l'accusé réception tout en sachant parfaitement que ledit refus serait enregistré avec le reste et le classa sans répondre.

"Heure"

"Il est 22 heures et trente-deux minutes" répondit la même voix féminine depuis le couloir. Il portait l'uniforme de l'Entreprise, à peine froissé, sa veste sur son épaule et une serviette en cuir pendant au bout de son bras. Il inspira devant cette porte. Il s'en échappait un arôme riche, qui mettait l'eau à la bouche et faisait regretter au célibataire son appartement magnifique et les barres nutritionnelles stockées dans le frigo pour ne pas avoir à faire la vaisselle - après tout elles étaient calculées pour offrir tout le nécessaire et il mangeait chez sa mère. Il expira. Leva le poing. Frappa deux coups secs. Il allait prendre ces documents sensibles et irait analyser tout ça dans un diner devant un café à volonté et peut-être un muffin industriel. Les lieux publics étaient aussi surveillés que le reste mais pas au point de comprendre des données aussi complexes.

Il s'empêcha de secouer la tête. Ses pensées partaient n'importe comment ce soir. Vivement le week-end. La lourde porte s'ouvrit et, à hauteur d'homme, il ne vit rien qu'un appartement. Il baissa les yeux. Surprise. Un homme en fauteuil. On aurait pu le prévenir quand même. A moins qu'il ne s'agisse d'un de ces fainéants aux jambes parfaitement fonctionnelles mais qui n'aimaient pas se lever ? Il jeta un regard sur les épaules découpées de l'inconnu. Non. Il était bien trop musclé pour ça. La voix de l'analyste le fit revenir sur terre et il prit son air neutre habituel.

"Monsieur Eichel ?" son accent allemand chatouilla le "ch" "Directeur Regenbogen, je viens pour votre rapport."

Sam 1 Aoû - 17:28

Tout est une question de chiffre et de tajine


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