Ses doigts se baladent vivement sur l'écran de son communicateur, rédigeant un message bref et clair d'un claquement d'ongles manucurés.
"J'arrive sous peu."
L'engin se retrouve bien vite au sein de son sac à main puis l'androgyne inspire doucement en jetant un bref regard en direction de ces hommes armés, chargés de la sécurité des lieux. Quelles brutes épaisses ces deux là.
C'est d'une poigne ferme au bras droit qu'ils l'avaient précédemment intercepté afin de s'assurer de son identité, l'androgyne s'étant contenté d'empoigner le bras de l'homme en retour afin de le gratifier d'une prise rapide, simple reflex militaire. On lui avait pointé une arme sous le nez mais bien vite, ils s'étaient rendu compte qu'il s'agissait de l'un des enfants Nementia. Tous deux s'étaient sagement mutuellement relâchés puis l'ambigu eut l'opportunité de leur présenter ses papiers, s'excusant au passage de cette riposte, pour lui, relativement naturelle. Malgré ses petits airs de poupée de porcelaine, l'argenté n'hésitait pas à sortir ses griffes et viser juste et ce, peu importe le statut d'autrui et ce à ses risques et périls. Après tout, le brusquer déclenchait bien vite son instinct de survie. Un atout d'ailleurs félicité au sein de sa formation avancée.
D'ailleurs, cet instinct de survie, iel comptaient bien sur lui ce soir...
Ce projet en lequel se lançait le jeune militaire ne s'agissait à la base pas d'une activité dangereuse, ou du moins...pas trop, mais ayant accepté avec enthousiaste cette offre d'un ami d'être l'heureux élu dévoué à tester l'un de ses nouveaux programmes, tout pouvait arriver. La matrice était bien connue pour être pleine de mystères mais le jeune programmeur avait bien souvent insisté sur ces mots : " T'as rien à craindre, aucun risque, sécurité optimale ! " C'est alors sans hésitations qu'Ellioth avait accepté et ce non sans un pas petit de danse. Adepte de nouveauté et de cette sensation que lui procurait une vague d'adrénaline, iel ne manquait jamais une opportunité de se lancer en ce type de projets douteux. Puis de toute manière...sécurité optimale, iel ne risquait rien de bien dangereux. Milo lui avait répété au moins dix fois. Va savoir si c'est l'Alzheimer...
"Je suis là."
Un nouveau message puis iel se masse doucement le minois d'une main avant d'ajuster ses manches longues et de lisser les plis de sa jupe courte. Sourire étampé sur sa bouille, iel rejoint bien rapidement la porte de l'appartement du jeune programmeur afin d'y envoyer trois petits coups. Un petit coup d'oeil autour puis iel pousse la porte d'iel même, relativement habitué en compagnie de ce dernier. Il était d'ailleurs probablement plongé sur ses codes et blabla matriciels incompréhensibles alors autant simplement passer la porte et s'éviter de faire le piquet pendant une demi-heure. Fait vécu.
"Pardon du léger retard j'ai eu un petit soucis avec les types de la surveillance...
Tu peux programmer mais tu ne peux pas programmer sans risque. Cela dit, qui ne sait pas prendre de risque n'évolue jamais. Et la personne que tu attends n'est pas en reste question audace. À ce stade, si on en croit cette théorie, avec tous les risques qu'iel prend, son évolution pourrait s'étendre jusqu'à obtenir un poste hautement gradé à la fondation.
En réalité, tu as dit à ta famille que tu avais besoin de calme pour travailler. Cependant, si ta sœur arrivait en trombe dans ta chambre comme elle a la mauvaise habitude de le faire, elle découvrirait un frère basant sa concentration sur un jeu en ligne. C'est ce que tu aimes faire pour te détendre en plus d'en créer toi-même. Armé de tes doigts qui valsent contre le clavier tactile et d'une souris pour déplacer le curseur et stabiliser ton personnage virtuel, tu restes dans une installation classique pour ne pas pomper toute la connexion que tu as prévue, ignorant ton portable qui vibre contre la table en verre épais. Le destinataire doit être Ellioth. De toute évidence, tes parents le connaissent bien et sont accoutumés à sa présence. Ils le laisseraient rentrer dans ta grotte matricielle sans se poser de questions, ce dernier connaissant parfaitement le chemin.
Et c'est justement la porte de ta chambre qui s'ouvre sans signalement de présence. Tu pestes, tes lunettes sur le nez te donnant un air plus sérieux et lève les yeux au plafond d'exaspération.
- Combien de fois je t'ai dit de frapper ?
Question rhétorique puisque ta sœur connaît la réponse. Tu ne daignes même pas lui accordé un regard en biais puisque tu ne veux pas perdre ta partie, mine de rien tu es un sacré mauvais joueur.
Ton visage se décompose partiellement quand une voix familière qui n'est pas celle de ta frangine s'élève et génère une connexion rompue avec le capital de ton cerveau. Limbe furtif qui s’incruste dans tes entrailles, ton esprit papillonne dans le néant un court laps de temps avant que tu écarquilles brièvement les yeux et sembles presque sursauter. Pas parce que tu es stressé d'une potentielle nouvelle gênante qu'iel put découvrir, mais tout simplement parce qu'on t'a appris la politesse et que parler de la sorte n'est pas dans tes mœurs, surtout pas aux invités.
- Ah c'est toi.
Inities-tu en joignant pouce et index pour pincer doucettement l'arête de ton nez, tes phalanges soulevant légèrement tes lunettes dans le même mouvement.
- Installe-toi.
L'extrémité de ton doigt pointe ton lit. Avant toute chose, un sommaire contrôle médical s'imposait. Jouant les apprentis chimistes, tu te lèves de ton poste et t'approche de lui afin de saisir son poignet et de calculer son pouls.
- Tu n'as pas eu de baisse de tension dernièrement ?
Tu manques certainement de tact puisque tu choppes son bras sans douceur, mais sans brusquerie non plus. Ça se voit que les formalités te pompent, que tu veux passer directement à l'offensive. Cela dit, ton devoir principal rentre en conflit avec tes émotions. Il y a un protocole à suivre et bien que sa mise en pratique est particulièrement barbante, il est essentiel au bon déroulement des opérations. Un calepin en main, tu griffonnes le résultat.
- Pas de maux de tête ? De nausée ? De crampes inhabituelles ?
Tu lui tournes le dos pour choper un thermomètre dans une petite boîte en plastique. Nanotechnologie sous forme scotchée --au plus proche de l’homme-- il s'agit d'un patch fin et ultra souple que tu lui colles sur la tempe. Non seulement cette petite révolution permet de déterminer la température corporelle très précisément au 1/1000ème degré prés, mais elle permet également de déterminer le taux d’hydratation du corps.
Visiblement satisfait des résultats, tu ne prends pas la peine de les annoncer à voix haute. De toute façon, si quelque chose n'allait pas, tu l'aurais annoncé et l'expérience ne se serait pas produite.
- Tu as conscience que tu vas rentrer dans un état pleinement végétatif durant la durée de l'expérience rassure-moi ?
Tu préfères mettre les choses à plat, qu'il n'y ait pas de machine arrière et aucun non-dit entre vous.
- Je parle bien entendu de ton vrai toi, pas celui qui est immergé dans le monde virtuel. Toi dans l'overside 2.0 tu sentiras rien mais il y a un pourcentage de chance que tu ressentes de la dissociation pendant un certain temps dans le vrai monde, tu captes ?
Tu lui poses la question mais en réalité, tu n'attends pas vraiment de réponse. Puis tu fouines encore parmi les étagères de ta bibliothèque. Sur les étalages, il y a beaucoup de livres d'apprentissage sur le codage, l'informatique et bien sûr la Matrice. On parle ici de livre qu'on distribue dans les Masters alors que tu n'as même pas encore l'âge de passer une licence. Ils t'aident à prendre un peu d'avance sur le programme étant donné tu t'ennuies grave vite avec les autres. Cela dit, entre deux trois BDs, se glissent également des cahiers. Tu n'es pas très ordonné. Le classement par ordre alphabétique, très peu pour toi. C'est plus par manque d'efficacité que par flemme que tu refuses de ranger ta grotte.
Extirpant un repose-document parmi tes cahiers d'exercices cognitifs, une feuille imprimée est poinçonnée au-dessus de la barre métallique et comporte des paragraphes pourtant bien structurés et se termine par une longue ligne d'encre.
- Paraphe et signe en bas de la feuille.
Anticipant un futur regard investigateur, tu lui épargnes l'effort de poser des questions, franchement saoulé que la paperasserie commence à s'éterniser. Bousculade verbale, tu l'empresses davantage en lui tendant un stylo, pointe vers toi.
- C'est un contrat comme quoi mon programme est un prototype d'essai et qui me couvre de toutes éventuelles plaintes.
À peine ses propos terminés que voilà l'intello qui lui lance une attaque. Ah oui, sa frangine. Il lui en avait parlé de celle-là. Aucun respect pour le petit sanctuaire du pauvre Milo et de son immense bulle de "foutez-moi la paix quand je bosse". Quoique bosser était un grand mot, naturellement.
L'androgyne papillonne tout de même un instant, silhouette ambiguë s'immobilisant dans l'encadrement de la porte de la dite grotte matricielle. Iel l'observe un moment, sourcils hauts pour soudain étirer un rictus amusé. D'un demi pivot, iel s'empare de la poignée de porte pour refermer sagement cette dernière afin de leur offrir un semblant d'intimité.
"M'bien, chef. Pas de baisse de tension."
Trottinant en direction du lit, ses vairons daignent se balader sur l'environnement connu en quête de nouveauté, de détails gênants, peu importe. Sa curiosité maladive le poussant à simplement redécouvrir encore et encore certains lieux afin d'y déceler leurs mystères les plus enfouis. Peut-être trouverait-iel aujourd'hui des preuves qu'en fait, Milo est un androïde sans emotions, controlé par l'ennemi afin de griller la puce de ses victimes en les invitant à procéder au test d'une bêta d'un nouveau programme et qu'iel serait en fait sa prochaine victime.
Trop d'imagination et d'idées étranges en ce petit crâne dérangé qu'est le sien...
L'androgyne glisse une main sous ses fesses afin de positionner sa jupe et ainsi s'installer dessus, se laissant par la suite aller aux différents tests du jeune programmeur. Poignet soulevé, iel se contente d'observer les manoeuvres de son ami d'un oeil critique, iel-même médecin, après tout. L'argenté avait bien l'habitude de ces procédures au sein de sa formation, s'assurer de l'état général de l'individu dans le but d'éviter un incident dérangeant. Il s'agissait de la base, tout simplement et nullement dérangé par celle-ci, iel se contentait là de sagement lui tendre patte, dos, tempe, jambe, peu importe ce que lui demanderait Milo tant que les tests lui semblaient pertinents, évidemment.
"Non, non plus. Hmmm. Nope."
D'une main ornée de bagues fines, la manucure parfaite, bref, main de princesse, iel dégage quelques mèches blanchâtres pour dégager sa tempe, venant de la seconde main dégager l'une des barrettes refermées sur l'ourlet de sa jupe pour venir la planter sur ses mèches surélevées. Les voilà tenues en place.
Encore quelques petits tests, son regard qui file à droite, à gauche, s'attarde un instant sur les bouquins plus loin et enfin l'écran. Va savoir s'iel l'écoute encore, de toute manière, Milo semble lui-même ne pas réellement chercher de réponses à ses propres questions.
C'est finalement ce document tendu qui lui arrache un retour brut à la réalité, lui provoquant un nouveau battement de longs cils. En effet, le jeune médecin le dévisage un instant avant de refermer les doigts sur le papier et le stylo.
"Tu sais, j'ai vraiment pas le courage de lire tout ça...Je vais donc seulement signer et te faire confiance. De toute manière, même si le document te...protège d'un éventuel souci, il protegera pas tes genoux de mon père s'il se fâche..."
D'un jeu de poignet, voilà les lettres qui se tracent en une calligraphie digne d'un miraculé pas de doigts. Comme quoi son écriture est bien loin de l'image de princesse qu'iel se donne à l'aide de ses petites robes et de son maquillage Par-fait.
Lui rendant finalement le document, iel envoie sa queue-de-cheval sur son épaule droite et vient tapoter vivement sa nuque d'un index, impatient. Cet implant discret, ornant cette derière présentée au jeunot et ses idées folles.
"Allez ! On commence quand ? D'ailleurs-...C'est quoi au fait comme programme ?"
Eh ouais, l'androgyne s'était de nouveau précipité dans un projet sans pour autant réellement le questionner sur le sujet. Iel en avait vu de toutes les couleurs avec sa formation, d'un programme de médecine intensive en cas de catastrophe, affront de bestioles exogènes dans un environement hasardeux, un simple programme dédié à apprendre les mathématiques en son jeune âge, bref, l'éventail de possibilité était énorme et iel n'avait sincèrement aucune idée vers ce dans quoi iel se jetait là. À l'instant. Le pire des scénarios serait probablement un foutu programme d'apprentissage de connaissances basiques emmerdantes. L'ambigu vivait pour l'action, le combat, pour découper ses collègues afin de les rafistoler ensuite, bref, une véritable vie de jeu vidéo bien que légèrement plus dangereuse. Après tout, l'impact était bien différent...mais peu importe ! L'ADRÉNALINE ! Sa drogue, cette foutue drogue.
"... Pitié pas un programme pour apprendre l'alphabet en russe via implant ... ?"
Soudain, un lot d'idées obscures, le voilà qui s'imagine toutes sortes de programmes ridicules, iel semble presque se décomposer sur place, corps s'étalant mollement sur le lit en une posture très peu gracieuse, l'étoile.
"Si c'est le cas, je vais souffrir de tout mon être mais sache que je le fais pour toi, mon cher amiiii..."
Tes narines délogent une émanation brièvement enjouée pendant que tu roules tes globes oculaires au plafond, bras croisés. Tu te doutais bien que ton interlocuteur se dédouanerait de ce type de responsabilité. Dans le fond ça avait toujours été plus ou moins son genre, de se laisser porter par le courant. Ellioth a toujours préféré foncer tête baissé et réfléchir aux conséquences seulement après. Du courage ou de l’imprudence, son attitude casse-cou ne t'étonnes même plus.
- Ça m'arrange que tu me dises ça en réalité, j'aurai trop eu la flemme d'attendre que tu finisses de lire. Approuves-tu d'un ton résigné avant de t'intéresser à la deuxième particule de sa phrase. Et ton père pfff...
Ton intervention était complètement inutile mais tu n'as pas trouvé de meilleure répartie que de feindre l'indifférence. Ce n'est pas ton souci immédiat même si tu aimes anticiper les éventuels dangers et menaces extérieures. Pour le coup, même si le paramètre est à prendre en compte, ce n'est pas l'état d'urgence à traiter mais plutôt la situation actuelle et santé de ton ami.
Récupérant les documents dans tes mains, tu poses l'ensemble de papiers non agrafés sur un coin du bureau, n'étant pas un grand fana du rangement et du classement. Pour toi, c'est plus une perte d'efficacité qu'autre chose. Et alors qu'Elliot s'intéresse à tes travaux, tu es comme cet enfant passionné à qui on confirait la parole pendant la journée. Ton sang bouillonne d'impatience dans tes veines alors que tu l'écoutes émettre ses hypothèses et c'est avec une joie incommensurable que tu te permettes de les contester.
- Non encore mieux que ça !
Tournant en cercle dans ta piaule, tu enveloppes ton poignet droit dans ta main gauche et amarres un flot d'explications.
- Je veux créer un programme d'État officiel en codant d'abord un site référencé qui permet de surveiller les gens qui utilisent la matrice.
Posant le contexte, ta voix se modèle et atteint des sommets qu'Ellioth n'a jamais entendu un jour.
- Ce sera un service payant proposant des facilités de paiement. Certains membres pourront se prendre un abonnement premium s'ils le désirent, le but étant aussi d'encaisser de l'argent.
Tu n'arrives pas à avoir un discours structuré malgré le fait que ton plan, lui, soit parfaitement ancré dans ton encéphale. Tu penses à toutes les éventualités et ne te caches pas quand tu soulignes le fait que tu t'exécutes aussi à la tâche pour apporter plus de fond à la Fondation.
- En fait sur mon site, il y aura un interlocuteur en ligne qui surveille, en temps réel, l'état de l'utilisateur pendant toute la durée d'utilisation de la Matrice. Concrètement, il va surveiller les battements de cœur, la tension et cetera et préviendra d'urgence les secours s'ils détectent des comportements inhabituels du corps et de l'esprit.
Énumérant les possibilités en abattant chaque doigt de la senestre à l'aide de sa jumelle opposée, tu continues l'argumentation comme si tu voyais déjà ta création sur le marché.
- En plus de ça, mon invention permet de créer des emplois.
Tirade terminée, tu pivotes de nouveau vers lui et dardes d'un index sournois sur son front.
- Et toi mon coco, je serai ton surveillant. Je vais me mettre sur mon site dans la chambre de ma sœur, caméras braquées sur toi. --car ce sera une extension au package proposé dans le service. Sur le long terme, le dispositif permettra de limiter les intrusions et cambriolages-- et je vais surveiller ton état pendant que tu seras mis complètement dans une situation périlleuse.
Rictus malsain s'en prenant aux traits de ton visage habituellement mou et fade, des éclairs pourraient surgir de derrière les carreaux pour faire bénéficier de leurs lumières aveuglantes à ta mâchoire engagée à révéler :
- Tu vas vivre ta plus grande peur et ceux jusqu'à ce que ton corps craque et m'avertisse du danger !
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