Tu pousses un long soupir alors que tu sors de la scène. D’un geste agacé tu fais signe à tes assistants de te laisser tranquille, tu les vois approcher avec de l’eau, de quoi te refaire une beauté et c’est bien la dernière chose que tu veux. Ton implant VIP fait apparaître l’heure et la date dans ton champ de vision et ça t’arrache un nouveau soupir. Tu as un appel important à passer mais d’abord tu dois te vider l’esprit. Tu passes en coup de vent dans ta loge pour prendre tes vestes et ton casque, boire quelques gorgées puis tu repars. Tu passes par la porte arrière de la salle de concert pour éviter les fans trop envahissants mais tu te rends bien vite compte que c’est les sous-estimer, ils y’en a déjà qui t’attendent. Tes gardes du corps te fraient un chemin jusqu’à ta voiture et montent après toi.

« Où on va, monsieur ? » Te demande ton chauffeur une fois les portes fermées et verrouillées.
« Au Nautica, faut que je me change les idées. »

Tu le vois hocher la tête dans le rétroviseur et, sans un bruit, la voiture se met en route. Tu n’as pas le temps de jeter un coup d’œil à la ville qui défile par les vitres teintées que le devoir t’appel. Même si là c’est plus toi qui appel le devoir, tu as oublié que tu avais demandé à ton portable de lancer l’appel après le concert. Avant que tu n’aies pu l’annuler, une voix surgit du bout de plastique entre tes mains.

« Allo ? » Tu ne réponds pas et quelques secondes passent. « Monsieur Harper ? »
« Oui, excusez-moi, je… j’ai cru voir quelqu’un que je connaissais. »
« Ce n’est rien, que puis-je pour vous ? »
« Je vous appel pour savoir où en est ma demande. »
« Je n’ai pas de nouvelles pour l’instant, vous n’êtes pas le seul à vouloir un agent. »
« Mais vous avez bien vu le nombre de gens qui viennent assister à mes concerts. » Le ton monocorde de la fonctionnaire commence à user tes nerfs déjà à vif après une soirée éreintante et tu n’arrives plus vraiment à masquer l’exaspération qui est audible dans ta voix.
« Je crains que la popularité ne fasse pas tout et si j’étais vous je ne m’en vanterais pas, vous êtes déjà bien assez chanceux de pouvoir vous donner en spectacle. Remerciez vos mécènes pour leur protection au lieu de le cirer sur tous les toits. » Tu serres les dents pour éviter de devenir grossier et à la place tu raccroches sans rien ajouter.
« Quelle conne. » Tu lances ton portable loin de toi, sur la banquette.
« On arrive dans vingt minutes, monsieur. »

Tu ne sais pas trop pourquoi tu es déçu qu’il te dise ça, tu ne sais pas trop pourquoi tu t’attendais à ce que ton chauffeur te dise que tu as raison et que c’est, effectivement, une conne. Tu hoches la tête avant de t’affaler complétement, comme une grosse larve. Les vingt minutes passent vite et la voiture s’arrête devant le Nautica. Un établissement qui peut se vanter d’avoir une clientèle très en vogue, on ne peut y rentrer que par cooptation et on y reste qu’en maintenant une certaine popularité ; c’est l’endroit idéal pour voir des gens importants. Et c’est bien pour ça que c’est ton endroit préféré. Au moins ici tu ne croises que des gens, et des fans, qui valent la peine d’être rencontrés. Tu descends et ignores les gens qui tournent la tête pour te lancer un regard, tu avances vers la porte d’entrée sans ralentir, comme si les videurs androïdes n’étaient pas là, de toute façon tu sais qu’ils ne vont pas t’arrêter. Et ils ne le font pas, la porte s’ouvre d’elle-même devant toi et tu pousses un soupir, cette fois de soulagement. Tu es tenté de mettre ton casque, pour réduire l’impact de la musique sur tes tympans, mais tu décides de le garder autour du cou, tu sais que tu ne l’entendras plus autant dans quelques instants. Pour le moment tu fermes les yeux et tu la laisses te guider vers le comptoir dont tu te rapproches via un savant mélange de marche et de danse.

« Y’a qui dans l’Reflex ? » Tu ouvres les yeux et tu regardes un des barmen se diriger vers toi pour répondre à ta question. Il te fait une brève liste, durant laquelle tu te prépares à prendre appeler ton pote au cas-où il n’y a pas qui tu veux mais finalement tu hoches la tête, satisfait. « J’vais prendre un Noxious. »

Sans attendre de réponse tu te diriges vers la porte du salon privé en marchant, ou du moins en faisant glisser tes semelles, à reculons. Juste avant que ton dos ne touche ladite porte, elle rentre dans le mur pour te laisser passer et se referme derrière toi. Il y a peu d’endroit auxquels tu n’as pas accès au Nautica et le Reflex est l’endroit le plus classe.

« Jace ! » D’un bond tu te retournes pour te retrouver nez-à-nez avec Lee Dale, un fils d’un industriel qui a accès à l’HORUS et qui te permet de jouer devant un public. Après un check court dont vous avez le secret, vous échangez quelques mots à propos de ton dernier concert en vous dirigeant vers une table ou attendent une poignée de personnes dont une que tu n’as jamais croisé mais que tu connais tout de même très bien ; faut dire que tu as bien préparé ton coup. « Je te présente Scarlet White, Scarlet, je te présentes Jace Harper. »

Pendant qu’il fait les présentations tu salues les autres personnes présentes et tu termines par Scarlet, tu t’approches pour l’embrasser.

« Heureux de te rencontrer. »

Je suis en retard, je suis toujours en retard. Mais est-ce que je le suis vraiment ? Après tout, une fille comme moi, ça se fait toujours attendre et toujours pour le meilleur. Alors pourquoi se presser ? Ce n'est pas comme si les portes du Nautica n'allaient pas s'ouvrir. Je prends donc mon temps. Le temps de bien choisir la tenue, à la fois classe mais qui ne fait pas bling-bling. La petite robe bordeaux aux petits strass fera l'affaire. Un col un V pour sublimer la poitrine, sans en dévoiler de trop. Remarquez, c'est l'avantage d'en avoir un petite, je peux me permettre des maxi décolletés, jamais cela fera vulgaire sur moi. Après tout, j'ai un corps parfait !
Pas besoin de beaucoup de maquillage pour sublimer mon visage, tout le contraire de ce que fait ma mère. Elle met une couche de couleur criarde sur ses yeux et un rose tellement flashi sur ses joues ... Un jour, je lui apprendrai à se maquiller. Mais pas ce soir. J'ai d'autre chat à fouetter. Un teint nude sur mes paupières, un peu plus lumineux dans le creux de mes sourcils, un train d'eyeliner et du mascara suffit pour mettre en avant mes yeux bleus. Et pour finir, une petite dose d'une rouge à lèvre rose/orangé sur les lèvres. Tout pour faire un effet naturel qui ne dénature pas ma beauté.
Je suis prête.

J'arrive avec facilement deux heures de retard et pourtant je ne me presse pas. Je prends même le luxe de vérifier si je suis parfaite dans la voiture, juste en face de la boîte de nuit. Tout était à sa place, parfaitement à sa place. Je suis satisfaite.

-Vous viendrez me chercher dans trois heures Miles. S'il y a un changement, je vous appellerai.
-Très bien mademoiselle. Amusez-vous bien.

M'amuser ? Cela me fait doucement sourire. Je ne suis pas là pour ça. Non, ce soir je travaille. Même si cela ne se verrait pas. Nous, gosses de riches, on sait pourquoi on se retrouve dans ce genre d'endroit. C'est pour se faire des relations. Bien sûr, on a l'impression qu'on est là pour faire la fête, mais il n'en est rien. On fait semblant, rien de plus.
Je m'avance vers les portes du Nautica, la plèbe fait la queue et tous les regards se tournent vers moi. Ma démarche sur mes hauts talons et parfaite, féline, mes cheveux impeccablement lissés virevoltent au rythme de mes pas. Et sans même un regard, les portes s'ouvrent et me laissent entrer.

Il y a toujours trop de bruit dans la salle principale. Trop de monde aussi. Les gens s’agglutinent sur la piste de danse, transpirent et s'échangent leurs liquides corporels. Ecoeurant ...
Je ne m'arrête pas ici, je me dirige vers le comptoirs mais ne m'y arrête pas. Je tourne juste à peine la tête vers le serveur qui m'a repéré. On a dû lui informer que j'étais arrivée.

-Vous m'enverrez une verre de blanc s'il vous plait. Je serais à la table habituelle. Veuillez prendre la commande de tout le monde à ce moment là.
-Tout de suite mademoiselle White.

Puis je trouve derrière une nouvelle porte, celle de la salle VIP. Le son y est beaucoup moins fort, et il facile de pouvoir parler tranquillement. L'ambiance en elle même est différente. Une lumière douce et tamisé et des banquettes en velours violettes et bleues. Très vite j’endosse de jeune fille parfaite, le sourire innocent mais la démarche sûr et la tête haute.

-Veuillez m'excusez pour mon retard, j'espère n'avoir rien raté.

Tu parles ... Ceci n'est juste qu'une formule de politesse, rien de plus.
Il y a du monde ce soir, des fils de pharmaceutiques, d'ingénieurs et même de hauts gradés militaire et policier. Il y en a pour tous les goûts. Mais tous intéressé par la même chose : le pognon ! Est-ce que je suis différente ? Pas du tout. J'aime mon train de vie et si je veux continuer de l'avoir, il faut se faire des connaissances, être dans les petits papiers et épouser un fils minimum aussi riche de mon père, même plus, si possible. Et l'amour dans tout ça ? Qui y croit encore ?

La soirée se passe comme à son habitude, on échange des banalités : les nouveaux investissements de nos parents, nos plans futurs, l'endroit où partir en vacances ou bien manger, et surtout, les potins. Ce groupe, c'est comme dans une série dramatique et de romance. Mon rôle ? Etre la fille qui se rapproche de tout le monde sans jamais vouloir conclure. En gros, je suis la sainte ni-touche à qui on n'ose rien faire de peur des répercutions qu'il pourrait avoir.
Je commence à m'ennuyer, je regarde mon téléphone. Cela fait à peine une heure que je suis là. Le temps me semble si long. Je vais appeler Miles pour qu'il vienne plus tôt. Mais à peine ma pensée terminée qu'elle s'envole. Une nouvelle tête fait son apparition. Qui était-il ? Jace Harper ... Inconnu au bataillon, bien que ce nom ne m'est pas inconnu. Etait-il un des fils d'homme qui travaille avec mon père ? Il y en a tellement qu'il m'est impossible de tous les retenir.

-Je le suis également.

Discrètement, je l'examine. Il n'a rien d'un gosse de riche, à moins que je me trompe. Il a prestance différente et l'odeur de nicotine que j'ai senti en moment de se faire la bise est inhabituelle. Normalement, on se parfume juste après avoir grillé une cigarette pour ne pas incommoder son futur interlocuteur de l'odeur. Qui était-il ? Je ne peux me cacher à moi-même le fait que je sois interloquée.

-Vous venez souvent ici ? Votre nom ne m'est pas inconnu mais impossible de faire la liaison. Veuillez m'excuser de cette ignorance.

En te redressant tu retires ta veste à l’intérieur jaune que tu jettes sur la banquette et tu vas t’assoir à côté de Scarlet tandis que les autres se reprennent leurs discussions. Maintenant que tu n’es plus dans l’allée qui mène au diverses banquettes, que tu te retrouves dans la pénombre, ton tatouage faciale florescent s’illumine ; rien de bien impressionnant en soit, ce n’est qu’une croix dont les deux lignes se rejoignent sur ton œil droit mais lorsqu’il brille ça guide le regard vers tes yeux, vers un œil en particulier. Sa question te fait sourire, un sourire en coin sûr de toi, pendant que tu places un bras sur le dossier.

« C’est normal que je te dise quelque chose. » Avec ton bras qui n’est pas encore installé tu vas chercher ta cigarette électronique et tu tires un coup dessus, tu aimes le son, les petits craquements, qu’elle fait. Tu penches ta tête en arrière jusqu’à ce qu’elle touche le dossier et tu recraches des cercles de fumées qui passent les uns dans les autres. Sans observer la fumée se perdre dans l’ombre tu redresses la tête et tu la secoues légèrement pour remettre tes dreadlocks blanches en place puis tu plonges ton regard dans celui de Scarlet et ton sourire revient. « On oublie pas un rêve. »

Tu te demandes si on lui a déjà fait, ce coup-là. Tu ne penses pas, il est un peu pathétique mais il a l’avantage de t’amuser et c’est toujours ça de pris.

« Je fais de la musique, tu m’as sûrement entendu. Ou tu m'as peut-être vu sur une affiche. » Elle ne risque pas de reconnaître ta voix vu que tu ne chantes pas mais vu que tu as parfois la chance, sur tout si on en croît la fonctionnaire insupportable et incompétente qui doit s’occuper de te trouver un agent, de pouvoir monter sur scène. Dans ta vision périphérique tu vois un des barmen arriver avec le verre que tu as commandé qu'il dépose sur la table devant toi. « Merci. »

Tu attrapes ledit verre contenant un magnifique liquide d'un rouge rubis que tu aimes tant sans savoir ce qu'il y a à l'intérieur. Tu ne pourrais pas décrire le goût non plus, mis à part que c'est sucré et pétillant mais justement, le mystère rajoute quelque chose pour toi ; tu ne sais pas trop quoi d'ailleurs mais tu as pu remarquer que les boissons dont tu connais la composition perdent de leur savoir, de leur intérêt.

« A notre rencontre. »

Tu lèves ton verre et les gens autour de vous qui ne vous écoutaient pas t'immitent, plus par habitude qu'autre chose. Ou peut-être qu'ils ne cherchaient qu'une occasion pour boire sans contrevenir à la bienséance.

Vraiment, il ne ressemble en rien aux personnes se trouvant autour de cette table. Il est plus décontracté et son sourire parait bien plus vrai que dans l'ensemble. Est-il vraiment là pour passer du bon temps et non remplir son agenda ? Cela se pourrait. Et puis il y avait ce tatouage que me surprit. Cela n'était pas banal, ou du moins, pas vraiment dans mon groupe. Nous sommes tous des immaculés d'encres. Je ne dis rien sur être immaculé tout cours, car même si beaucoup d'entre nous avez promis chasteté jusqu'au mariage, peu d'entre nous respecte leur promesse.

-... T'es sérieux là ...

Non mais qu'est-ce que c'est que cette drague de ringard ?! Effectivement, on ne me l'a jamais faite mais vraiment ?! J'ai entendu parlé de ce genre de technique de drague complètement beauf sauf que jamais, au grand jamais, je pensais avoir droit à ce genre de phrase tellement cliché. Et pourtant, après l'incrédulité voilà que je me mets à rire de bon coeur. C'était si stupide qu'il m'est impossible de ne pas rigoler. Un vrai rire, pas de ceux que je réserve à mon groupe pour leur faire plaisir.

-Sérieusement, je ne sais pas qui t'a appris ce genre de phrase, mais il va falloir que raille ce genre de phrase cliché de ton manuel. En tout cas, ça fait longtemps que je n'ai ris comme ça.

Est-ce trop m'ouvrir de lui dire une telle chose ? Je ne crois pas et puis, qu'est-ce qui pourrait m'arriver de mal à le laisser me découvrir un peu ? Il n'est pas comme les autres, je le sens. Bien qu'il faut que je reste sur mes gardes. Surtout quand il me dit qu'il est musicien. Tient donc, un artiste. Es-ce qu'il est en mal de se trouver un agent ou bien de se trouver un endroit pour se produire ? Apparemment non vu qu'il me dit qu'il est sur des affiches.

-Je suis navrée, mais je ne crois pas avoir vu l'une de ces affiches. Je devrais peut-être faire plus attention en me promenant.

Ou tout simplement aller dans les quartiers qui exposent se genre de publicités. Or, là où je traine, on peut surtout y voir des publicité de vêtements, de produits de beauté ou encore d'idole faisant la promotion de leur nouvelle série ou chanson sur des écrans ou hologrammes géant. Il n'y avait aucune affiche mit clandestinement sur les murs. Mais peut-être que cela était différents dans les quartiers bas du district. Peut-être qu'il faudrait que j'y fasse un tour un de ces jours, pour voir juste comment ça se passe la-bas.

-A notre rencontre, je trinque avec lui avant de boire une gorgée et de reposer mon verre. Il m'intrigue. Quelle genre de musique tu fais ? Car peut-être que je t'ai déjà entendu sans savoir qu'il s'agissait de toi.

Je ne fais plus attention aux autres personnes, n'ayant d'yeux que pour lui. Je me suis même installée de façon à lui faire presque face sur la banquète. Certains diront que je suis en train de le séduire, que j'allais encore laisser un homme sur le carreau. Mais n'est-ce pas normale d'apprendre à connaitre quelqu'un qu'on ne connait pas ?

« Si t’as ris c’est que c’est pas si mauvais que ça. » Tu sors ton portable de ta poche et tu ouvres une page sur laquelle se trouve quelques lignes de texte et tu en effaces une. « Mais dans tous les cas, merci du retour. »

Tu ne sais pas trop ce que tu as effacé, tu n’as pas fait attention, mais ce n’était sans doute rien d’important, après tout tu n’as pas grand-chose d’important sur ton portable et pour atteindre ce qui l’est il faut un peu plus que deux ou trois touches. Quant à sa réponse tu ne peux t’empêcher de sourire. Tu as envie de lui demander avec une incrédulité feinte si elle se promène vraiment et, si oui, si en plus de ça elle marche. A la place vos verres s’entrechoquent et toi aussi tu avales une gorgée et tu apprécies pendant quelques instants l’amertume chaleureuse qui glisse dans ta gorge. Quelques instants qui suffisent pour que tu perdes l’initiative.

« C’est même certain si tu traines dans les coins qui en valent la peine. » Tu attrapes ton casque qui reposait jusque là autour de ton cou et tu le connectes à ton portable et tu prépares quelque chose d’un peu calme.


Trente secondes plus tard tu reçois un message qui te fait grimacer.

« Faut que j’y aille mais si ça t’intéresses je fais un concert jeudi prochain. » Ta main s’en va plonger dans une poche intérieure de ta veste pour en sortir un ticket VIP que tu tends à Scarlet.