Les nuits se ressemblaient les unes après les autres au district 4. Une rivière de ténèbres s’abattait dans les ruelles mal éclairées du quartier, les poubelles dégoulinantes d’ordures s’entassaient dans des coins, tandis que les repères des drogués s’étalaient désormais à l’extérieur des bâtiments en ruine. Le train-train s’était confortablement installé dans la vie de Nyx et l’éloignait peu à peu de son objectif initial. Sa vie actuelle se résumait à danser autour d’une barre, à baiser des néolibéraux pour détenir des informations sur les hauts districts et à faire valser son poing de fer sur les visages de clients bien trop ivres et insistants. Il était 5h du matin. On pouvait à peine distinguer les reflets de la lumière annonçant le jour lorsque Nyx quitta le Millénaire après une dure nuit de travail. Alors qu’elle franchit le seuil de sa porte, le chat errant qu’elle avait l’habitude de croiser se frotta contre ses jambes.
« Toi mon gros, tu veux encore dévaliser mon frigo. »
Lui dit-elle, sourire aux lèvres, avant de lui remettre un bol de viande déshydratée et du lait en poudre. Nyx s’affala nue sur son lit et scruta son appartement miteux, habillé par des bibelots et des gadgets sans intérêts. Le Millénaire lui permettait tout juste de vivre et de régler ses dettes. Il fallait donc changer la donne. Nyx se rappela de ce que lui avait rapporté un client sur les combats clandestins pratiqués au District 5. Les miraculés et les exes donnaient des spectacles de sueur et de sang qui attiraient plus d’un néolibéral. Pourquoi ne pas en faire elle aussi son business ? Nyx enfila sa combinaison en cuir, prit son casque de moto dans la volée, et se jeta sur sa vieille bécane, dissimulée sous un épais tissu usé au rez-de-chaussée du bâtiment. L’engin à deux-roues ne valait pas grand-chose mais c’était son p’tit joujou à elle. Nyx s’était amusée à retaper la cylindrée après l’avoir récupérée dans une décharge. Elle pouvait ronronner quelques bornes sans problèmes, au moins le temps qu’il lui fallait pour un aller-retour au district 5. Nyx s’éclipsa donc en mission de repérage pour assister à ces fameux combats de rue.
Quelques semaines plus tard…
Le combat de coqs était prêt. Nyx avait fait jouer ses contacts néolibéraux pour organiser l’un des plus gros combats qui n’eût jamais lieu dans le quartier. Pour l’occasion, elle avait ramené des copines danseuses du Millénaire pour appâter le public et lui offrir une mi-temps digne de ce nom. Chaque spectateur devait payer sa place pour assister au match. C’était l’un des plus attendus du district 5. Le favori du public, la tête où l’on avait misé le plus de crédits, se faisait appeler «Brise-dents». Un colosse d’exe aux yeux rouge sang et à la mâchoire carrée. Une gueule cassée qui semblait en avoir davantage dans les muscles que dans le ciboulot. Mais c'était une raison suffisante pour le faire participer au tournoi. Son nez tordu et sa dentition trouée laissaient présager à ses adversaires qu’il était un grand habitué des combats clandestins. Nyx était plus satisfaite que jamais, elle avait foi en son poulain et avait amassé plus de crédits qu’elle n’en avait espéré. Des filles, de la savate et une bonne dose de testostérone : c'était le cocktail idéal.
Il fallait arriver en finale pour espérer se battre contre Brise-Dents. Les adversaires tombèrent tour après tour sur l'arène éphémère. Les tribunes étaient pleines à craquer et criaient à chaque coup donné. C'était aussi ça, l'ambiance du district 5. Il ne fallut que quelques heures et un paquet de KO avant d'arriver enfin à la grande finale du tournoi. Brise-Dents fit son entrée sur l'arène, torse nu, acclamé par la foule en délire. Il exhibait fièrement ses cicatrices d'expérience ratée. Ici, tout comme le district 4, être un exe était une fierté. Les pires raclures, les mafieux et les néolibéraux étaient réunis ici. C'est tout ce qu'on attendait des bas-fonds de la société. Nyx ne cautionnait pas le portfolio de la plupart d'entre eux mais il fallait faire des concessions pour mener à bien son projet. Et ses efforts portaient leurs fruits : quelle que soit l'issue du tournoi, elle avait pu obtenir une certaine influence dans le D5 et à s'en prévaloir également dans le quatrième district. La bombe de son ascension était amorcée.
Dernière édition par Nyx Astral le Mer 19 Aoû - 6:00, édité 1 fois
Arzei ne saurait dire ce qui le dérangeait le plus... l'atmosphère pestiférée d'ordures bordant chaque espace du sol ou les regards désapprobateurs et hostiles des diverses silhouettes informes que constituaient l'amas de foule du district 5. Rien ne pouvait mieux qualifier cet endroit que la dénomination de véritable déchetterie vivante. En dépit de la décadence qui caractérisait le quatrième, il dégageait du cinquième une aura tout autre, atteint d'un mal semblable à une longue et insidieuse souffrance dont personne ne semble se soucier. Quand à la raison de sa visite en pareil lieu, la case de son calendrier était remplie d'un beau jour de repos suite à une intervention animée dans les environs du Millénaire... Une sale altercation entre deux ivrognes qui a rapidement tourné au règlement de comptes entre gang. Naturellement, l'unité des force de l'Ordre des environs n'a guère levé le petit doigt pendant l'affrontement et s'est contenté de bloquer les issues avec quelques renforts afin de passer à tabac les quelques fuyards du quartier et se rapprocher toujours un peu plus du quota mensuel d'arrestations. Parmi ce cafouillis de procédures douteuses, Arzei n'eu aucun mal à reconnaître certains membres du gang qui l'intéressait, obéissant à ce sacré bout de femme qu'était Megara. Prenant celui qui semblait le plus respecté -un gaillard plutôt doux sur les yeux mais pas moins dangereux- il s’adonna alors à un barrage de questions sur la situation ainsi que sur son gang. En somme, rien de concluant parmi la prise d'aujourd'hui, si ce n'est une petite rumeur qui retint l'attention de l'officier. Une histoire de combats de rue, jusque là rien d'inhabituel, la populace du bas regorge de combats sanglants entre miraculés -qui n'étaient vraisemblablement bons qu'à cela- mais ce qui piqua son intérêt était tout autre. L'organisatrice, une certaine Nyx Astral, ne lui était pas inconnu. Bien au contraire, cette petite protégée du Millénaire était une danseuse de renom dans son milieu, et il s'était lui même surpris à apprécier ses... performances. La question étant ce qu'une petite danseuse avait derrière l'esprit pour organiser de tels événements lui fit froncer les sourcils, ce même froncement qui presque toujours indiquait une entourloupe exe. Relâchant la plupart des petites frappes, son intuition était déjà porté sur le gibier bien plus juteux que proposait cette danseuse. Tout ce qu'il savait pour le moment, c'était la rumeur d'un tournoi dans les méandres du cinquième quelques jours plus tard. Par chance, ses jours de repos coïncidaient avec cette date, ce qui lui permettait de s'échapper de la vigilance de ses collègues le temps d'une soirée qui s'annonçait fort intéressante.
L'arène en question n'avait rien à envier à la décharge qu'il venait de quitter, tout du moins en apparence. Quelques sièges étaient placés sur le haut d'une estrade improvisée, elle-même occupée par une caste on ne peut plus vibrante et soyeuse, probablement en mal de sensations fortes et d'interdits. Il pouvait sentir d'ici l'odeur de l'argent et des vices couler de ces individus insouciants, bien qu'entouré d'armoires à glaces impassibles. Et là voilà toisant de la dernière rangée de sièges, l'objet de son voyage se tenait avec calme en observant les combattants se détruire pour un divertissement des plus glauque. Approchant l'estrade avec conviction, un bras plus épais que sa propre cuisse lui barra la route. Sans même lui prêter grande attention, Arzei flasha son badge tout en lui faisant mine de le laisser passer, le supposé garde du corps marqua un temps d'arrêt, jetant un coup d’œil en arrière avant de s'exécuter. Montant les marches pour rejoindre sa cible, l'officier ne pu s'empêcher de remarquer la figure informe dans l'arène qui n'eu de cesse que d'enchaîner les victoires et remercia sa belle étoile de ne pas figurer parmi ses adversaires... Sans le moindre gêne, l'officier de police s'affala bruyamment sur un siège adjacent à la droite de la danseuse avant de s'ouvrir un paquet de strike devils et d'allumer sa source de nicotine. Tu sais Nyx, j'ai toujours cru que tu avais un faible pour le genre intellectuel pleins aux as. Tu peux donc imaginer ma surprise quand j'ai entendu que tu t'entourais désormais de gros bras puants... Expirant une grande bouffée de fumée, Arzei tourna lentement son visage vers son organisatrice afin d'y plonger ses yeux dans les siens. Et si tu me racontais un peu comment tu t'es retrouvée avec ce pugilat d'abominations dans les mains, hmm ?
Brise-Dents venait d’ouvrir le bal de la grande finale. En face de lui se dressait un miraculé monstrueusement difforme et imposant, mais Nyx, qui restait de marbre à la vue d’un tel spectacle de bestialités, avait toute confiance en la robustesse et à la pertinacité de son poulain. Comme espéré, le combat s’étirait sur plusieurs rounds et agitait les paris du côté des tribunes. L'arène était recouverte d’une impressionnante flaque de sang, parsemée de miettes de peau et de ferraille. La violence des coups, rythmée par les ovations de la foule, résonnait dans tout le quartier du district 5. Ce match allait sans doute faire jaser plus d’une commère auprès de la clientèle du Millénaire. Ce n’était pas pour déplaire à la danseuse.
Tandis que Nyx comptabilisait ses nouveaux crédits avec ferveur, un individu dont elle n’avait pas encore remarqué la présence, fit son apparition dans l’estrade. Il s’agissait d’Arzei Ryder, un agent des forces de l’Ordre chargé du quatrième district. Nyx avait eu l’occasion de le côtoyer à plusieurs reprises lors de ses visites inopinées au nightclub. Tout comme la plupart des hommes, Arzei aimait s’adonner aux spectacles aguicheurs des danseuses de la nuit, avec toujours le plus grand respect de ces dernières, contrairement à certains clients importuns. Son arrogance et sa désinvolture, qui lui avaient valu entre autres son affectation au D-4, amusaient tout particulièrement la danseuse. Elle percevait et respectait davantage l’individu qu’il était que le flic qu’il représentait. Malgré son égard envers lui, Nyx conservait une certaine méfiance de par son appartenance à l’Ordre. Bien qu’elle n’envisageât pas la politique du même œil que les séparatistes, ses valeurs n’en restaient pas moins aux antipodes de celles de la Fondation.
Dans une démarche nonchalante, le jeune homme s’assit brusquement à côté de Nyx, comme pour l’aviser de sa présence. Dans un mouvement de tête impassible, la danseuse se retourna vers lui et le toisa du regard. Elle sourit avec étonnement lorsqu’elle le reconnut. Arzei avait revêtu ses accoutrements de civil, recouvrant par la même occasion son armure à led qui notifiait son statut d’agent. Il se grilla une clope et lui balança ces quelques mots.
« Tu sais Nyx, j'ai toujours cru que tu avais un faible pour le genre intellectuel pleins aux as. Tu peux donc imaginer ma surprise quand j'ai entendu que tu t'entourais désormais de gros bras puants... »
Nyx se mit à ricaner et sortit à son tour une slim de son paquet. Elle l’alluma avec son zippo argenté, savoura la première bouffée, et lui répondit d'un ton badin.
« Toujours en train de faire du zèle mon cher Arzei, hein ? T’inquiète pas, j’ai pas lâché la barre du Mil si c’était ça le sous-entendu de ta question. »
Elle se concentra à nouveau sur le déroulement du combat, et lui montra du doigt son protégé, qui au même moment, assénait de coups de poing son adversaire tapi au sol.
« Tu vois ce grand gaillard affamé sur le ring ? C’est Brise-Dents. Les gens se sont déplacés précisément pour le voir cogner des mâchoires. Et là, il arrondit mes fins de mois, parce que la danse ça paye que dalle. J’suis une fille du spectacle, tu le sais bien. La dentelle je la porte, je ne la fais pas. »
Nyx se cambra sur sa chaise en réajustant ses cuissardes avant de le fixer d’un air séducteur et interloqué.
« Et toi dis-moi, qu’est-ce que tu fiches ici ? T’es venu me menotter ? », lui demanda-t-elle en se pinçant les lèvres.
Jetant un regard en coin vers l'arène, il se plaisait à regarder l'échange virulent et impitoyable qui faisait rage à leurs pieds. C'était quelque chose d'étonnement plaisant, et le policier tirait une étrange satisfaction à scruter leurs expressions crues et bestiales. Et chaque coup porté était suivit d'une ovation qui se révélait contagieuse, à tel point qu'il se surpris à applaudir quand l'abomination à mâchoire cubique héla un rugissement de vainqueur.
Y'a pas à dire, cette masse sait comment s'y prendre pour coller des beignes. J'aimerais pas me retrouver en bas.
Reportant alors son attention sur la belle entrepreneuse, son regard baladeur ne manquait pas d'apprécier sa plastique. Sa silhouette athlétique, fort de ses activités sensuelles en laissaient plus d'un rêveur et mystifié devant ses déclarations lascives et insolentes. Inspirant une grande bouffée d'air, Arzei ne pouvait qu'être impressionné devant son professionnalisme intarissable, même ici au fin fond d'une cage de détritus. La tentation de tendre la main vers cet interdit était grandissant, mais à son sens le maintient de ses actes était une question de fierté. Il tenait en horreur le sentiment d'être ainsi manipulé par sa séductrice, ou du moins succomber si aisément. Suivant sa dernière parole, l'officier laissa éclater un rire léger avant de lui répondre.
Quoi tu ne savais pas que j'étais passioné de combats de rue ? Non vraiment, un de mes indics m'a filé l'info et j'étais curieux. J'aime garder un œil sur ce qui se passe, et quand ça m'intéresse je trouve toujours un moyen d'être là au bon moment. Enfin. j'ai à te parler, mais pas ici. Ça te branche ?
Esquissant un petit sourire, il ajouta en lui retournant son regard droit dans les yeux.
Et puis tu sais je suis de repos aujourd'hui donc si je te passes les menottes c'est pas au poste que tu vas finir.
Nyx était plantée là, devant le spectacle qui s’offrait à elle. C’était une explosion de plaisir, plus intense encore qu’un coït languissant, une montée d’adrénaline et le ronron de sa vieille bécane. Le bruit satisfaisant de la brisure des os, des corps qui se plaquent dans une étreinte bestiale et sanguinolente, ce jeu parfait de va-et-vient cinglant. Elle n’avait encore jamais envisagé la violence comme une danse singulière, mais cette chorégraphie grossière et sans ménagement en était pourtant bien une.
Brise-Dents avait donné le coup de grâce, mettant un KO ferme à son adversaire, qui s’était défendu comme un acharné devant la bête qui le défiait. Nyx applaudit son poulain du haut de l’estrade, jambes croisées, en lui faisant signe de la rejoindre. L’arbitre remit alors au colosse une poignée de crédits que le géant défiguré salit aussitôt avec ses mains ensanglantées par les coups. Ce dernier s’empara d’une serviette, s’étancha le visage ainsi que le torse et grimpa les quelques marches des rangées des tribunes jusqu’à son mécène.
« T’as été remarquable, une fois de plus. Va voir Triss, c’est elle qui te filera ta récompense. Je compte sur toi pour les prochains matchs. »
Arzei, qui paraissait lui aussi subjugué par la puissance du combat quelques minutes auparavant, se tenait toujours à côté de Nyx et l’éplucha du regard. Le flic ricana en lui soufflant ces quelques mots, sourire aux lèvres.
« Quoi, tu ne savais pas que j'étais passionné de combats de rue ? Non vraiment, un de mes indics m'a filé l'info et j'étais curieux. J'aime garder un œil sur ce qui se passe, et quand ça m'intéresse je trouve toujours un moyen d'être là au bon moment. Enfin. J'ai à te parler, mais pas ici. Ça te branche ? Et puis tu sais je suis de repos aujourd'hui donc si je te passe les menottes c'est pas au poste que tu vas finir. »
« Ne te méprends pas sur mes intentions Arzei, je ne coucherai pas avec toi, tu sais bien que je ne cours aucun risque. Mais rien ne nous interdit de nous amuser un peu, n’est-ce pas ? »
Lui susurra-t-elle en lui attrapant délicatement le cou. Elle vînt s’assoir sur ses genoux et caressa quelques mèches de ses cheveux en pagaille.
« Qu’est-ce que tu me caches, Arzei ? Les filles doivent clôturer la soirée, je suis censée les accompagner sur le ring tout à l’heure pour notre show. Mais pour toi, trésor, je vais faire une exception. Les clients attendront. Je dois rentrer chez moi poser quelques affaires* et me changer. On peut discuter là-bas. »
* Nota Bene : comprendre ici mettre le pactole à l’abri.
Un parfum engageant lui remplissait l'esprit d'ardents désirs tandis que son corps ferme et voluptueux se mouvait autour tel un serpent sur ses jambes, resserrant inlassablement l'emprise de sa victime. Il était plus difficile de se défaire de pareille douce étreinte qu'une prise de lutte coriace d'un pestiféré du quatrième. Mais plus que tout, c'était le contraste entre les mots enjoués qu'elle prononçait et ses actes provocateurs qui l'amusait au plus haut point.
Perdant son regard dans le sien, il se laissait dériver avec délice dans ce monde onirique et irréel que la danseuse se targuait de créer du simple coin de l’œil. Expirant alors un large soupir, il lui adressa une réponse d'un large ton ironique.
Ça me blesse d'entendre que tu ne t'exécuterais que sous la menace, il y a un cœur dans cette poitrine quand même.
Posant sa main sur son torse avec un air faussement dépréciatif, il accompagnait ses paroles de gestes théâtralement dramatiques afin d'en souligner leur effet absurde. Malgré les airs enjôleurs du policier, il n'en restait pas moins un dangereux énergumène qui se complaisait dans une sauvage violence propre à celle de son environnement impitoyable. Aussi les quelques instants de répit que lui procuraient cette petite danse lui étaient précieuses, quoiqu'en disent les apparences.
Secouant son visage d'un mouvement bref, son esprit jusque là ensorcelé fut brusquement rappelé à la dure réalité du cinquième district et à la nature transactionnel de leur échange.
Quand il s'agit d'affaires j'ai toujours ton attention, hein ? Parfait, dans ce cas monte allons-y. Montres moi le chemin et je te suis.
Levant le menton d'un mouvement sec vers la gauche avant de lui fixer du regard, Arzei venait d'exécuter un signe très précis dont toutes les travailleuses au millénium connaissaient la signification : celui de fin d'une danse privée. L'officier ne lui accorderait pas le plaisir de se montrer imprudent et la toucher par mégarde, chose qu'il considérerait comme une sorte de... défaite ?
Le trajet du retour se révéla sans encombres. En dépit de sa voiture banalisée, il n'eut aucun mal à passer les postes de contrôle et couvera même pour Nyx lors de la fouille. Il ne connaissait que trop bien la nature de ces 'inspections' non sans parler des 'taxes de passage' qui leur étaient imposées, lui même étant de mèche sur beaucoup d'entre elles. Mais qu'elle ne s'y trompe pas, l'officier n'agissait guère de bonté de coeur, mais considérait cela une avance sur les négociations à venir.
Finalement arrivés dans le quatrième, le duo serpenta les ruelles jusqu'à atteindre un empilement maussade de bâtiments de récupération. Il ne pouvait s'empêcher d'être impressionné par l'inventivité des habitants d'un tel taudis, capables de transformer une déchetterie infâme de non droit en un espace presque habitable...
« Quand il s'agit d'affaires j'ai toujours ton attention, hein ? Parfait, dans ce cas allons-y. Montre-moi le chemin et je te suis. »
Sur ces paroles, Nyx fit un clin d’œil à Arzei et chevaucha sa vieille bécane garée non loin de l’arène éphémère qui commença doucement à désemplir. Elle enfila son casque de moto quand l’une de ses collègues du Millénaire, Triss, une magnifique danseuse à la peau mate et dorée et aux longs cheveux d’ébène en cascade, s’avança vers elle.
« C’est bon Nyx, on s’est occupé de clôturer le spectacle. Les gars sont en train de remballer le matos. On a fait un carton monstre ! Appelle-moi quand tu veux qu’on remette ça, j’suis carrément partante. Et fais gaffe à toi, hein ? »
Lui rétorqua-t-elle en fixant Arzei avec un léger mépris avant de tourner les talons.
Nyx fit vibrer le moteur et prit la route en direction du quatrième district, en s’assurant qu’Arzei la suive. Ils passèrent la frontière en toute quiétude, grâce au flic qui prit soin d’empêcher la fouille permettant ainsi à Nyx de garder son pactole en l’état. La danseuse était bien consciente qu'en ce bas-monde, il n’y avait pas de place à la générosité ni à l’entraide. Tout se paie un jour ou l’autre. Mais pour le moment, elle restait concentrée sur sa priorité du jour : mettre à l’abris ses nouveaux crédits, crédits qui lui permettront de se procurer un laisser-passer pour enfin remettre un pied au district 2.
Ils arrivèrent donc au pied de l’immeuble où créchait la danseuse.
« Voilà mon palace. Je t’en prie, fais comme chez toi. »
Lui assura-t-elle d’un ton moqueur. Ils montèrent jusqu’au dernier étage et entrèrent dans l’appartement de Nyx. Avant même de se déchausser et d’enlever son perfecto en cuir clouté, Nyx se précipita dans sa chambre et rangea ses crédits dans un vieux coffre-fort rouillé numérique qu’elle avait récupéré à la déchetterie, dissimulé au fond de son placard bien garni. Elle retourna aussitôt dans la pièce de vie et jeta nonchalamment ses cuissardes et son perfecto près de son canapé en velours sur lequel elle s'affala.
« C’est pas le grand luxe j’te l’accorde, mais j’reçois toujours un cadeau ou deux de mes clients pour l’agrémenter, ça aide à se sentir un peu mieux chez soi. »
Nyx ferma ses stores et se grilla une de ses slims.
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