Le grand jour est arrivé.

Ce jour d'une importance Capitale, avec un grand C. Le jour de...La réunion familiale. Et ici, on parle de sa véritable famille, pas de ces sales gosses monopolisant son paternel de leurs questions débiles et de leurs actes sans importance.

Depuis quelque temps déjà, le rituel s'était ancré en leur horaire bien qu'il ait d'abord commencé entre le médecin et son apprentis. Tous deux s'étaient un jour rassemblés pour s'élancer en une aventure pleine de rebondissements. Des coups de feu, des larmes, de la baston et des complots pour quelques bribes de rires et un lot d'émotions fortes. Voilà ce qui résumait leurs soirées de... Jeux de rôle sur table. Eh ouais...

Mais ce jour-ci, oui, celui-ci, était bien spécial car ils comptaient à présent de nouveaux aventuriers. Ou plutôt fauteurs de troubles dans le cas actuel. C'est plein.e de motivation et d'un charisme appuyé que l'androgyne put convaincre ses soeurs et sa mère de participer à leurs délires imaginaires. Enfin, convaincre n'avait pas été bien compliqué lorsqu'il s'agissait de sa cadette qui, depuis déjà quelque temps déjà, cherchait à s'incruster entre Auguste et Ellioth lors de leurs soirées "secrètes". Qu'avaient-ils à cacher, derrière la porte de ce bureau à rigoler ou hurler, après tout ? Un tas de choses peut-être. Mais la voilà qui découvrait leurs terrible secret.

Remontant sa tignasse en un large chignon, l'androgyne s'applique à installer la table sur laquelle aurait lieu le massacre. Tuiles décorées de bâtiments divers aux ruelles sombres, de minuscules détails environnementaux ajoutant de la vie à cette plateforme de jeu, ils ne manquaient de rien et visiblement, s'étaient appliqués à confectionner cet environnement miniature afin d'offrir là une immersion idéale aux différents joueurs. Chaque personnage était d'ailleurs représenté d'une petite figurine modelée et peaufiné à l'image désirée de chacun et leurs fiches étaient non seulement visibles sur leurs tablettes portables, mais aussi sur format papier soigneusement glissé entre deux pellicules plastique afin d'éviter toute catastrophe. L'ambigu avait d'ailleurs tendance à y écrire ses notes à la main, ses équipements, eux, prenant la forme de petits dessins ici et là grace à son imagination débordante.

Iel fait rapidement quelques pas vers l'arrière puis plante ses paumes sur ses hanches percées. L'argenté.e contemple son oeuvre, cette ville miniature trônant sur l'immense table sur laquelle ils auraient le plaisir de se détester avec amour. Douce ironie du jeu. Certaines décisions créant la confrontation, certaines règles avaient été mises au clair dont celle de ne pas s'attaquer aux miniatures sous peine de déchainer la colère de l'androgyne et ses multiples heures de travail.

C'est une fois assuré.e que tout était parfait qu'iel tournât les talons pour s'évader en direction l'étage parental, là où iel capturerait d'abord son père afin de valider le terrain de jeu. C'est contre la pauvre porte de son bureau qu'iel envoie à multiples reprises l'un de ses petits poings, tel un enfant impatient.

"Papa, papa, papa, c'est prêt tu viens ? Dépêche ! On commence dans quinze minutes top ! T'as ta fiche ? Ton mini' est en bas, aaaah t'es prêt ?"

Iel bondit sur place, quelques petits bonds vers l'arrière par la suite dans le but de s'éloigner de cette porte qui lui volerait au visage en cas contraire. Peut-être trop d'excitation pour si peu et pourtant il s'agissait là de l'une de ses principales échappatoires et d'une manière tout au plus originale de se rapprocher de sa famille. Certains liens s'effritaient pour se reconstruire lors de ce type d'activité alors autant en profiter, là, une fois par semaine autour de cette table.

C'est sans même l'attendre qu'iel tourne les talons pour rapidement rejoindre son oeuvre, s'accrochant au passage au bras de sa cadette pour l'entrainer avec iel en la gratifiant d'un baiser sur le crâne.  Il n'était pas rare qu'iel la croise au détour d'un couloir ou plus loin, à lae fixer, des étoiles dans les yeux. Il s'agissait probablement de sa plus grande fan et pourtant, elle n'avait même pas accès à son bordel médiatique.

Avec un peu de chance, ce rituel entre père et gosse deviendrait un rituel familial inévitable.