Sujet: - Une vision pour quatre vérités.- [Ft Scarlet White]
Tous les chemins mènent au Millénaire.
Sa lumière glacée attire les nuisibles, les électrise, elle se projette sur les façades irrégulières de tôle, de béton et de métal, alors que les goulets étouffants s’ouvrent sur sa silhouette : L’agression des sens commence. Ceux qu’elle ne tue pas, sont de toute façon capturés, condamnés à revenir pour combler ses besoins, pensant qu’ils contentent les leurs. Le jeu du chaud-froid dans le complexe dédaléen des rues, est récompensé par un clair obscur agressif. Ouais … Ce bâtiment est un prisme, avalant la lumière du D-4 à la nuit tombée, pour vomir son flot hétéroclite de couleurs.
Je déteste ce bouge caché sous des atours clinquants, il ne me trompe pas, il ne fait plus illusion, je vois sa laideur. L’histoire qui nous lie est peut-être trop longue et cahoteuse pour que naisse encore la passion des débuts. Je l’ai effeuillé, découvert et parcouru. Ca me rendrait presque triste d’être aussi désabusé. Mais je m’en fous pas mal. Je crois qu’il fait juste partie de ma zone de confort, donc j’y reviens. Ou je suis dans le déni et il m’a eu moi aussi. Qui sait.
« Scope » est à l’entrée, fidèle au poste, il ventile, il régule, il est plus doué pour ça que pour se trouver un blase crédible, à mon sens. Il n’a même pas posé son « oeil » sur moi avant de dégager le cordon holographique. Cette monomanie me tue : Je suis donc un habitué ? Je pense que je vais bombarder mon réseau neural. Plus qu'à attendre la déferlante, celle qui retournera mon hippocampe avant de l'emporter dans les plus insondables abîmes.
Je comprends bien vite que ce plaisir là, me sera refusé quand je vois arriver Pax, complètement survolté. Cette grande gigasse blafarde essaie déjà de saturer mon cerveau avec un débit de paroles qui sortent par gros paquets, il le doit à certains ... Stimulants. Mais ce junkie là me soule, avec plus d'efficacité que les consommations à venir, si bien qu'elles me semblent lointaines, trop lointaines. Je lève une main, un peu impérieuse. Il comprends ce que ça veut dire. Je lui ai déjà expliqué que personne n'allait lui voler la parole. Sujet, verbe, complément.
Il se gratte le bras, d'un air un peu embarrassé. C'est cruel mais à dire vrai, il me répugne. A sa façon, il me renvoie à certaines peurs.
- Désolé mec ... J'disais. La petite blondinette là bas. Du District 2. Riche rentière. Truc comme ca. S'appelle Scarlet White.
Sur ses mots, il la pointe ostensiblement du doigt, ses yeux rougeoyants et globuleux posés sur elle. Pax le maître des privés. Privé de bon sens, de discrétion et de dignité. Moi j'essaie déjà d'attendrir les rides du lion et je crois que ce pauvre camé a compris qu'il était l'heure pour lui de sortir de scène. Rendu plus laconique, il recule, sur un lapidaire - J'te laisse ... A-a-a a plus.
Ce que je vois quand je pose mes yeux sur elle, c'est surtout qu'elle jure avec le décor. Elle sent le neuf, le tout droit sorti de l'usine, un produit esthétiquement appréciable certes, mais fragile, différent du "lot", principalement composé de récup'. J'assimile bien vite que je lorgne une "virginale" ou une "immaculée", si vous préférez. Le fait qu'elle soit là ne me pose pas vraiment de problème, mais ... Sa présence ne peut induire que deux cas de figure. Soit elle est pour X ou Y raison, dans les bonnes grâces de Mama Fox, soit on l'a sciemment laissée entrer et pour des desseins bien moins enviables.
Ce n'est pas un altruisme sans bornes qui m'anime, alors que je me lève pour marcher en direction de sa table. D'un, je suis déjà exposé grâce à mon cher comparse et de deux ... J'ai été à sa place, en quelque sorte. J'ai du apprendre à connaître les "lois du D-4" pour survivre. Je crois que tout le monde à sa chance, même les "puceaux". Je suis l'élément d'une chaîne de transmission et si c'est à elle que je souhaite léguer mon savoir, c'est peut-être bien parce qu'elle semble encore porter une certaine innocence. Je l'envie un peu et je redoute l'idée de voir cette candeur totalement détruite. Ca, c'est peut-être bien le genre de lumière qui peut encore me donner un brin de chaleur au milieu des néons.
- Scarlet White ?
On ne peut pas dire que je sois un modèle de jovialité, j'ai abandonné l'idée de rester figé à côté de son petit étal. Je pose mon séant face à elle. C'est peut-être intrusif mais je suis un pragmatique dans l'âme. Pour le moment j'attends confirmation, je n'ai aucune confiance en Pax et ses diarrhées verbales.
Sujet: Re: - Une vision pour quatre vérités.- [Ft Scarlet White]
Je me demande encore ce que je fais ici. Je ne suis totalement pas à ma place, c'est tel que j'en suis gênée. Pourtant, j'ai dans un sens, connu ce genre d'endroit. Où la musique est forte et où l'alcool coule à flot. J'y ai passé des soirée au Nautica, dans la district 2. Sauf qu'à ce moment là, j'étais la cliente et non la serveuse. De plus, ici, cela n'a rien à voir. La musique et les lumières sont là pour vous hypnotiser, sans parler des danseuses qui s'effeuillent autour de bar, perchées sur leur hauts talons. J'ai cru comprendre qu'il y a des salons privés à l'étage. Je ne veux pas y aller. On m'a assuré que je n'irais pas. En tout cas, pas pour mon premier jour. Espérant qu'il n'y en ait pas d'autre car je m'étais toujours dit d'éviter cet endroit. Alors, qu'est-ce que je fais ici ? J'ai besoin de me nourrir.
Contrairement à d'autres endroits, ici, je n'ai pas dû batailler pour me faire embaucher. Avoir une humaine dans l'équipe, on dirait que cela les avantageait. On ne m'a pas trop pausé de question sur mes expériences en tant que serveuse, seulement ma taille pour mon "uniforme". Et quel uniforme ... Ils me font porter un mini-short en lycra de couleur flashy et un crop top au col légèrement évasé qui laissé une de mes épaules dénudée. Cette tenue est dissidente et peu confortable. Le bas me rentre dans les fesses à chacun de mes pas, et j'ai toujours peur que le haut ne glisse et ne dévoile trop de choses. Qu'est-ce que j'ai honte ... Mais ça paye bien. Et puis, ce n'est que pour une soirée, une soirée à servir des verres et à sourire. Tu sais, la sourire que je savais bien faire lors de soirées entre "amis" du district 2. En quoi est-ce différent ?
J'avance maladroitement entre les tables, je sens parfois des mains baladeuses. J'ai tellement envie d'envoyer mon plateau dans leur figure. Mais je me retiens et je me force à sourire. Cette soirée allait être longue. Je ne pensais pas que cela serait si dur à supporter. Je ne supporte pas la façon dont on me regarde. J'ai l'impression d'être un morceau de viande. J'essaye tant bien que mal à ignorer les regards lubriques, mais cela est difficile, aussi difficile que de ne pas renverser le moindre verre. J'ai envie de m'enfuir, de devenir aussi petite qu'une souris. Je pourrai me cacher dans les toilettes, mais ma disparition se passerait pas inaperçue. Avec ma chevelure blonde, on me repère tout de suite. Donc, si je venais à me volatiliser, cela se verrait comme le nez au milieu de la figure. Il me fallait faire bonne figure, et puis, cette soirée allait bien se finir à un moment ou un autre.
Après plusieurs heures, je prends la décision de me pauser à une table incroyablement disponible. Je prends un risque de m'assoir ainsi, sans même avoir demander l'autorisation. Mais il faut que je me pause, j'ai tellement mal aux pieds. J'avais oublier que marcher avec de si hauts talons pendant plusieurs heures pouvait faire souffrir. J'aimerai plonger mes pieds dans de la glace et surtout que cela se finisse enfin. Je soupire doucement, alors qu'au même moment j'entends mon nom. Je sursaute et me relève tout de suite alors qu'un colosse s'assoit à la table à laquelle je me suis posée.
-Oui ?! Veuillez m'excusez, je reprends tout de suite le travail. A moins que vous souhaitez quelque chose ?
Même s'il venait de s'assoir, cet homme paraissait encore trop grand et large. La taille de ses mains me fait frissonner. Il pourrait certainement m'arracher la tête avec un simple revers de main. Mais plus je le regarde, moins il me dit quelque chose. Est-ce qu'il fait vraiment parti des employers ? Je ne pense pas. Alors qui est-il, et surtout qu'est-ce qu'il me veut ? Est-ce que c'est une nouvelle personne a qui mon cher père a emprunté de l'argent ?
Sujet: Re: - Une vision pour quatre vérités.- [Ft Scarlet White]
Je « repasse la bande », je cherche quelques jalons supplémentaires dans la logorrhée de Pax. Il s’est bien abstenu de me dire qu’elle avait été « assimilée », qu’elle est une petite nouvelle. Ce genre d’information m’aurait été bien utile. Si la Flave du D-2 se retrouve obligée de jouer de ses courbes pour pousser la piétaille à la consommation, si ce n’est au crime, c’est qu’elle n’a pas fini là de son plein gré. Il y a peut-être bien de la rétrogradation sociale dans l’air. Je spécule bien sûr, mais il faut bien je me rattrape aux branches. J’aurais peut-être réfléchi à deux fois avant d’être aussi frontal si je m’étais montré plus observateur. Son accoutrement ne trompe personne, en effet.
Je ne peux m’empêcher de trahir ma déception, mon corps se relâche, si bien que je finis presque affalé sur mon assise. Un bras pendu sur le dossier en polymère thermoplastique transparent, j’opine du chef, illuminé par l’espèce de liquide fluorescent emprisonné dans nos trônes de simili verre. La lueur qu’ils dégagent baignent nos visages dans une étrange pénombre.
Je vois ses oeillades craintives, je peux les comprendre à dire vrai, elle a matière à s’inquiéter. Je ne transpire pas nécessairement la bienveillance et je cultive volontiers cette aura. Sans compter qu’elle semble courir contre la montre, sans trop savoir si elle poursuit le temps ou c’est lui qui la talonne. Ce qui est certain, c’est qu’elle sera reconduite. « Scope » vient camper à mes côtés. Pas besoin de consulter les augures pour savoir qu’il va gentiment essayer de nous intimider pour remettre la fille au travail. Je dégaine pourtant le premier pour l’inviter à aller jouer aux billes, avec son implant oculaire. La carte que je viens de glisser sur la table affiche un chiffre suffisamment indécent pour laisser penser que la richesse me brûle les doigts, ce n’est pas le cas, mais j’ai fait une belle rentrée récemment. Il y a presque six à sept nuits de salaire allongées sur la surface luminescente. Un très joli pourboire en somme. Le videur, à mon sens de fonds de verre et de poches, semble se détendre, il se laisse même aller à un sourire approbateur avant de tourner les talons. Il va très certainement délivrer son petit rapport en « haut lieu ».
- Félicitations White, tu viens de gagner du crédit en faisant gagner des … Crédits à ton employeur. - Je vois vaciller la lueur dans l’azur de ses yeux, ses pupilles qui se dilatent - Détends toi, je quête pas ta dignité, je me respecte encore assez pour ne pas me sentir obligé d’acheter le désir. Même si ça semble présomptueux. Sors nous juste une bonne bouteille, deux verres, toute l’audace qu’il te reste et discutons, si tu le veux bien.
La mise est sur le tapis, je la désigne d’une main tendue, paume ouverte en supination. Libre à elle de la rafler. Tout est suggéré, rien est imposé. Elle peut s’en retourner vers ses clients, histoire de danser entre les mains avides, au moins tenter de se soustraire aux regards libidineux. J’ai répondu à une de ses questions, elle sait ce que je veux, dans les grandes lignes. Plus qu’à l’éclairer sur un dernier point :
- Iota, mon petit nom, c’est Iota. Et je te serais reconnaissant de pas être avare sur les degrés, j'ai besoin d'un bon coup de fouet.
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